Dès 1999 l’équipe d’archéologues menée par Michel L’Hour et Elisabeth Veyrat prend conscience de l’importance de ce site qui deviendra au fil des campagnes l’un des plus gros chantiers mondiaux d’archéologie sous-marine. Quelques chiffres suffisent à nous convaincre de l’exceptionnelle richesse de ces épaves et du travail qu’a nécessité leur fouille : 6000 heures de plongée, 700 jours de fouille et plus de 40 000 heures pour inventorier et étudier les 3000 objets découverts.

Le résultat de ces recherches constitue un fond documentaire sans commune mesure en Europe. Celui-ci offre des informations précieuses et inédites sur les techniques de construction navale mises en oeuvre dans les chantiers privés comme sur les approvisionnements et les vivres. Les échanges économiques et la vie des hommes embarqués à bord de ces frégates nous sont désormais mieux connus. Poulies, cordages, tonneaux, ossements, assiettes, chaussures, outils et armes portatives retrouvés sur La Dauphine et l’Aimable Grenot sont autant de témoins de l'ensemble des activités à bord des navires à voiles du XVIIIe siècle. « Ce véritable Pompéi immergé permet de comprendre ce que faisaient les gens, comment ils vivaient, ce qu’ils possédaient, ce qu’ils avaient pu graver…C’est la vertu de la catastrophe », témoigne Michel L’Hour le directeur du DRASSM et co-responsable de cette fouille.

Afin de nous révéler quelques pages de l’un des plus fascinants chapitres de notre histoire maritime, celui de la guerre de course, les plongeurs du DRASSM ont dû affronter des conditions de plongée plutôt difficiles. Les épaves ne dévoilent pas leurs secrets si facilement, la turbidité de l'eau, et surtout les courants violents ont beaucoup ralenti les travaux sous-marins, obligeant les archéologues à ne plonger qu’aux étales de marée.

Natière 1 ou la Dauphine du Havre (1704) De nombreuses recherches opérées dans les archives ont permis en 2006 d’identifier enfin l’épave Natière 1 comme celle de La Dauphine, une frégate royale de 300 tx et de 30 canons perdue à l’entrée de Saint-Malo le 11 décembre 1704, en pleine Guerre de Succession d’Espagne (1702-1714). Confiée par Louis XIV à Michel Dubocage, capitaine corsaire du Havre, La Dauphine rentrait d’une campagne de course accompagnée de l’une de ses prises lorsqu’elle a été drossée par gros temps sur les écueils à proximité de la cité corsaire. Michel Dubocage alors au seuil d'une brillante carrière, compte au nombre des très grands marins français du début du XVIIIe siècle. On lui doit notamment la découverte de l’île de Clipperton dans le Pacifique et la signature en 1711 de l’un des premiers traités commerciaux maritimes franco-chinois.

Natière 2 ou l’Aimable Grenot de Granville (1749) L’épave Natière 2 est identifiée comme l’Aimable Grenot, une frégate granvillaise de 380 tx, deux ponts et deux gaillards, ayant fait naufrage à Saint-Malo en 1749. Ainsi, le navire fait naufrage un an à peine après la fin de la Guerre de Succession d’Autriche (1740-1748). Son premier rôle d’armement en 1747 le décrit comme un navire corsaire lourdement armé. Toutefois, au moment de son naufrage, l'artillerie de ce navire alors dédié au commerce est estimée à seulement 12 canons et quelques pierriers.

D’après les documents retrouvés aux archives, L’Aimable Grenot avait quitté la rade de Dinard chargé de « toiles et autres marchandises dudit lieu » le 6 mai 1749 en direction de Cadix. Profitant du courant de jusant pour appareiller, son capitaine Joseph Hugon sieur du Prey donne l’ordre de lever l’ancre. Il s’échoue sur l’une des roches du banc des Ouvras et la marée qui descend alors rapidement rend vaine toute tentative de relevage.

Ce chantier archéologique sous-marin aura permis, après dix années d’effort, de lever le voile sur une part méconnue du quotidien des marins français du XVIII° siècle. « On sait dorénavant comment vivaient les marins du XVIIIe siècle, ce qu’ils mangeaient, avec quoi ils s’amusaient, quel était leur environnement maritime ; bref, toutes ces choses qui ne sont jamais décrites par les capitaines ou armateurs de l’époque, car jugées trop banales. A croire qu’il faut disparaître pour exister ! », conclut Michel L’Hour. Il aura fallu attendre trois siècles et la persévérance des archéologues pour que ces détails si nécessaires à la compréhension d’une époque se révèlent enfin à nous.


La fouille des épaves se fait grâce à une suceuse, sorte d'aspirateur sous-marin qui permet de dégager le sédiment délicatement sans mettre en danger les objets restés piégés à l'intérieur depuis trois siècles.


Après huit années de fouilles sous-marines et de recherches en archive, la découverte du rapport de mer du capitaine a permis de mettre enfin un nom sur l'épave Natière 1. La Dauphine, une frégate royale de 300 tx et de 30 canons perdue à l’entrée de Saint-Malo le 11 décembre 1704.


Les courants violents et le manque de visibilité auront ralenti l'avancée des recherches, mais chaque nouvelle découverte fut une récompense des efforts fournis.


Dessin ancien par Ozanne d'une frégate semblable à celles de la Natière.


L'Hermine-Bretagne, navire support des fouilles, doit se frayer un chemin au milieu des roches de la Natière pour se positionner au-dessus de site de plongée.


La fouille des épaves se fait grâce à une suceuse, sorte d'aspirateur sous-marin qui permet de dégager le sédiment délicatement sans mettre en danger les objets restés piégés à l'intérieur depuis trois siècles.


Michel L'Hour, archéologue plongeur et directeur du DRASSM, effectue un relevé d'un affût de canon retrouvé sur La Dauphine / La découverte d'un tonneau entier encore en place est un moment émouvant pour les archéologues plongeurs.


Dans ce carré proche de la cuisine de l'Aimable Grenot, baquets, bidons et assiettes en étain sont restés figés dans les entrailles du navire depuis le jour du naufrage.


Au moment de la découverte d'un seau comme celui-ci, chaque douelle est numérotée avant le démontage. Après étude et restauration, il pourra ainsi être réassemblé pour être présenté au public.


départ des plongeurs depuis le support surface, Hermine-Bretagne.


Les plongeurs utilisent régulièrement des parachutes gonflés d'air afin de remonter à la surface les objets les plus lourds tels que ancres et canons.


Installation du carroyage en aluminium sur le site. Ces carrés de trois mètres par trois permettent aux archéologues de relever précisément le plan de l'épave et d’y positionner chaque objet.


Cette cruche en céramique retrouvée intacte sur l'épave de la Dauphine est emballée précieusement par un plongeur / remontée des plongeurs le long de la ligne de vie.


Les objets retrouvés sur ce chantier sont considérés comme des grands blessés et traités comme tels par les archéologues. Ainsi les objets encombrants comme ces fusils sont-ils transportés sur une civière jusqu'à la surface, où l'équipe restée à bord de l'Hermine-Bretagne les prendra en charge.


Nettoyage d'une poulie violon par les archéologues Anne Hoyau et Damien Sanders.


Complément indispensable de l'enregistrement photographique, le dessin du mobilier archéologique répond à des normes techniques rigoureuses. A chaque saison, Marie-Noëlle Baudrand, effectue les dessins archéologiques des découvertes importantes / Lila Reboul, conservatrice-restauratrice, accueille les objets à leur sortie de l'eau pour les nettoyer, les conditionner et éventuellement effectuer la restauration de certaine pièce.


Cette chaussure a été miraculeusement préservée des effets du temps par la couche de vase qui recouvrait une partie des vestiges de la Dauphine.


La découverte de ce couteau entier a provoqué un vif émoi chez les fouilleurs. Il s’agit sans doute d’un couteau à amputer, utilisé par le chirurgien du bord.


Une fois achevée la fouille minutieuse de l’épave de l'Aimable Grenot, le plancher de cale et la muraille du navire se découvrent, miraculeusement intacts...


La frégate La Dauphine était armée de trente canons au moment de son naufrage. Plusieurs d'entre eux ont basculé par-dessus bord, alors que d'autres se sont renversés sur leurs affûts.


La frégate La Dauphine était lourdement armée. Au total, une dizaine de canons et plusieurs pierriers ont été sortis de l’eau afin d’être restaurés et de rejoindre les collections de la Natière. Ces pièces d’artillerie seront présentées au public dans quelques années, dans un grand musée d’histoire maritime à Saint-Malo.


Remontée de deux canons de fer soudés ensembles. Ils proviennent de l’épave de La Dauphine.


Remontée des plongeurs sur la plateforme arrière d'Hermine-Bretagne, le navire support des fouilles.


Michel L'Hour, archéologue plongeur et directeur du DRASSM / Elisabeth Veyrat, archéologue plongeuse du DRASSM. Ils sont tous deux co-responsables des fouilles de la Natière.


Les canons de la Natière ont fait l'objet d'un traitement électrolytique piloté à distance par le laboratoire de restauration Arc'Antique. Après quatre à cinq années d'attention, ceux-ci pourront êtres exposés au public. .


Les canons de la Natière ont fait l'objet d'un traitement électrolytique à distance par le laboratoire de restauration Arc'Antique. Après quatre à cinq années d'attention, ceux-ci pourront êtres exposés au public.


Michel L’Hour et Olivia Hulot découvrent, sur la radiographie d'une concrétion ferreuse, un lot de sept pistolets prélevé sur le site. Ils possèdent encore une balle de plomb chargée dans leur calibre.


L’exposition itinérante "La Mer pour Mémoire " présente, jusqu’au 27 septembre 2009 au musée du château des ducs à Nantes, les résultats de trente années de recherches archéologiques sous-marines au large des côtes de Manche et d’Atlantique. Près de trois cents objets provenant des épaves de la Natière ont été restaurés spécialement pour cette exposition. Ce mobilier constitue un fond documentaire exceptionnel en Europe.


Exposition itinérante "La Mer pour Mémoire " présentant les résultats de trente années de recherches archéologiques sous-marines au large des côtes de Manche et d’Atlantique. Près de trois cents objets provenant des épaves de la Natière ont été restaurés spécialement pour cette exposition. Ce mobilier constitue un fond documentaire exceptionnel en Europe.


Au total, plus de 3000 objets ont été inventoriés pendant les dix années de fouilles archéologiques sous-marines.


A bord d'Hermine-Bretagne, Elisabeth Veyrat, co-directrice de la fouille, prépare le briefing avant la plongée.


Les épaves de la Natière se présentent comme deux ensembles architecturaux alignés côte à côte entre les rochers, pointant tous deux vers le Nord. Les frégates corsaires se sont couchées sur tribord, avec comme conséquence un déversement général du mobilier et des canons du côté sud.

ARCHEOLOGIE SOUS MARINE

PUBLICATIONS