Rassiyal Khurda Lautan, l'ingérance de l'Inde à la frontière népalaise
Par teddy, dans ASIE -# 10 - Fil RSS
Rajesh Kumar Pathale vit ici depuis cent un ans. À présent, il ne sort plus qu’une fois de temps en temps pour se promener avec son filleul. Il a vu lentement se dégrader la vie dans la campagne de Marchawar autrefois nommée «store of food» pour la fertilité de ses sols. Mais chaque été, la principale préoccupation de Rajesh n’est ni la pollution des sols arables ni même la santé de ses enfants et petits-enfants ; il y a trois ans, de l’autre côté de la frontière indienne, à moins d’un kilomètre de sa maison, les autorités indiennes, sous prétexte de construire une route, ont commencé à construire un barrage d’irrigation pour réguler le cours des fleuves Danav et Danda. Oh! bien sûr, ce n’est pas un monument de plusieurs centaines de mètres comme on pourrait l’imaginer. À peine quelques mètres de hauteur, mais sur douze kilomètres tout au long de la frontière. Comme à Laxmanpur ou à Mahalisagar, L’Inde a entrepris, depuis plusieurs années, sans l’avis de leurs voisins népalais et contre les règles internationales concernants ce type d’infrastructures (Traité d’Helsinki), la construction de plusieurs digues le long de la frontière népalaise du Térail. L’eau nécessaire à l’irrigation des cultures indiennes se retrouve «stockée» sur le territoire népalais recouvrant une bonne partie de la région de Marchawar, dont le village de Rajesh Kumar Pathale. Avec lui, une centaine de milliers de villageois redoutent le pire à l’arrivée de chaque mousson. Dans la région de Marchawar, les travaux ont été interrompus en juillet 2001 mais la digue déjà réalisée sur six kilomètres entraîne des dégâts importants dans toute la région à chaque mousson. Les régions de Laxmanpur et de Mahalisar n’ont pas eu cette chance et leurs populations ont dû être déplacé. Les compatriotes de Rajesh doivent leur salut relatif à la présence du site de Lumbini, lieu de naissance de Bouddha, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce site est lui aussi mis en danger par la construction des digues de Rassiyal, Khurda et Lautan. C’est l’unique raison qui a motivé cette fois, l’intervention du gouvernement népalais auprès des autorités indiennes.
Thumwa Babu. Dès les lueurs de l’aube, les activités animent le village. Avant que la chaleur ne s’empare de l’atmosphère, les villageois vaquent aux occupations ménagères et aux travaux des champs.
Barrage de Russiyal-Khurda-Lautan. Une partie de la nouvelle «route» indienne, à quelques centaines de mètres de la frontière népalaise.
Thumwa Dube, la route jusqu’à la frontière indienne est à présent quasi impraticable et le transport des marchandises devient problématique.
Bharwaliya. L’une des rares maisons en dur du village ; la plupart des autres sont construites en torchis et sont, par conséquent très fragiles. Seules les grandes familles, propriétaires de terres peuvent se faire construire des maisons en béton comme celle-ci.
Mudila. Trente personnes vivaient dans cette maison dont une dizaine d’enfants. Aujourd’hui, la maison est inhabitable et dangereuse ; ils ont donc dû rejoindre une famille de deux personnes en face de chez eux.
Bharwaliya. Le riz est la principale source de nourriture et l’activité dominante dans la région. Cette année de nombreuses récoltes ont été endommagées par les inondations.
Bharwaliya. A l’abri du soleil, un homme se repose. En attendant la récolte du riz, il n’y a pas beaucoup d’activités dans la région en cette période de l’année.
Dans le village de Bharwaliya, une jeune fille non scolarisée, comme la plupart de ses camarades (seules 20 % des petites filles vont à l’école), s’occupe des tâches ménagères de la maison.
Bharwaliya, Sur les bords du fleuve Danav. Depuis quelques années, le fleuve se déplace vers l’est grignotant petit à petit le village. Si le barrage de Russiyal-Khurda-Lautan est terminé, les habitants de Bharwaliya seront les premiers touchés par la crue soudaine du fleuve.
A Bharwaliya, les chefs de villages se sont réunis pour trouver une solution concernant les chemins secondaires ; les troupeaux de buffles et de chèvres ont de plus en plus de mal à se déplacer.
Thumwa Dube, route principale.
Roinihawa. Manufacture de transformation de céréales.
Thumwa Babu. Fabrique de farine.
Epicerie de Bharwaliya.
Dewandih, route principale entre Betkuiya et la frontière indienne.
Les principaux problèmes de santé dans la région sont dus à l’eau, les puits ne sont pas creusés suffisamment profonds faute de moyens. Les engrais nouvellement utilisés depuis une dizaine d’années s’infiltrent dans le sol lors des fortes pluies de mousson et polluent les nappes phréatiques. La quasi totalité de l’eau consommée par les villageois n’est pas saine.
Le centre sanitaire de Thumwha Babu est essentiellement destiné aux vaccinations et à la prévention pour les femmes et les enfants. Malheureusement, le manque de moyens mais aussi la non-formation des responsables rendent ces centres presque inutiles.
Ecole de Bharwaliya, classes primaires. Ici la plupart des enfants inscrits sont en classe et une certaine discipline règne en cours. C’est loin d’être une généralité dans une région où la scolarisation ne concerne pas plus de 40 % des enfants.
Mudila est une ville majoritairement musulmane, l’école coranique implantée à l’entrée du village est la plus grande et la plus belle de la région. Financée par des pays islamiques étrangers, cette école possède un internat, une bibliothèque et une mosquée. La scolarité y est gratuite, c’est une chance prodigieuse pour les enfants qui bénéficient de cet enseignement mais l’émergence de ces structures modernes crée des scissions entre les deux communautés musulmane et hindouiste, scissions qui n’existaient pas jusqu’alors.
Ecole coranique de Thumwa Dube.
Rajesh Kumar Pathale, doyen de la région. A 101 ans, Rajesh est à présent un cas exceptionnel dans un pays où l’espérance de vie est tombée à 55 ans (contre 70 ans il y a une vingtaine d’années).
Thumwa Dube, route principale.
Piparhawa, l’un des villages le plus touché par les inondations ; une vieille femme courbée s’approche de nous, elle nous montre sa maison, ou plutôt ce qu’il en reste. Sans famille et comme la majorité des habitants du village, sans argent, elle ne pourra sans doute jamais reconstruire cette maison. Elle vit à présent chez des voisins. Son regard, rempli d’espoirs, nous interroge, il faudrait des solutions immédiates, nous sommes impuissants... quel rôle pouvons-nous jouer dans leur histoire ? Pourquoi sommes-nous ici ?
Thumwa Babu, reconstruction.
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